Noir et blanc

« En 1992, j’avais acheté une petite camera mini-DV pour filmer mon journal et fixer un peu ma mémoire devenue transparente à force de nomadisme. Lors d’un retour dans mon village, j’ai appris qu’on avait tenté d’empoisonner ma grande tante Yasmina. Je suis allé lui rendre visite et c’est ainsi que j’ai commencé ce film sans le savoir. Très vite j’ai été happé par le roman oral de Yasmina et son grand secret. Je travaillais à l’époque sur l’exposition « Les 60 Noms de l’Amour ». Ma vie était tranchée entre l’exil d’ici et l’exil de là-bas, entre le calendrier grégorien et celui de l’hégire, entre le drame de Yasmina et mon voyage au cœur de la langue arabe et « Les 60 Noms de l’Amour ». Nacer Khemir

Avec ses théories du montage, Lev Koulechov a jeté les bases du film révolutionnaire, avec Mr West, il en a ouvert les portes. Dans le véritable Moscou enneigé, on voit les acteurs se poursuivre à moto, en voiture et en traîneau tiré par des chevaux, traverser les routes sur des lignes téléphoniques et agiter leurs membres comme des points d'exclamation. Un sénateur nord-américain se rend dans le pays des Bolchéviques dans l'idée d'y rencontrer sauvages et bandits. L'ancien et le nouveau: une comédie d'action avec montage. Celui-ci, par la grâce de Koulechov, a permis de voler au cinéma, comme l'a souligné son élève Poudovkine. (H.T.)

C'est dans ce rôle que Samuel Goldwyn allait découvrir Anna Sten et l'emmener à Hollywood: celui d'une fille qui vit avec son grand-père dans la banlieue enneigée de Moscou, travaille dans un magasin de chapeaux du centre-ville et passe beaucoup de temps à échapper à son voisin follement amoureux. La pénurie de logements et un billet de loterie (qu'elle reçoit à la place de son salaire) donnent lieu à un mariage et à d'épiques péripéties. Pour Bernard Eisenschitz, «La jeune fille au carton à chapeau justifie qu'on appelle Boris Barnet le fondateur de la comédie soviétique». Le premier film que Barnet réalise en solo est déjà imprégné de son génie: un diamant brut, charmant, romantique et, dans son imprévisibilité totale, un heureux mélange très physique de mélancolie et d'extase. (C.H.)

"Grauzone" est le film qui avait anticipé le mouvement des années 80. Une mystérieuse épidémie hante la Suisse. Les symptômes: envie soudaine de sortir, mélancolie soudaine, sensibilisation générale. Une publicité involontairement publiée informe sur la vague de maladie et déclenche l'incertitude, qui pénètre également l'idylle uniforme de la banlieue de Zurich. Julia et son mari Alfred vivent ici, qui, en plus de son travail d'employé de commerce, mène une double vie de spécialiste de l'écoute et est de plus en plus plongé dans une crise de sens.

Dziga Vertov, qui rejette l'ancien «Kino-drama», cette coquetterie littéraire, a clairement défini pour la première fois l'essence du film séparément de tous les autres arts. Plutôt qu'un film qui force la caméra à copier l'œil humain, il faut tenir compte du fait que l'œil du cinéma voit d'une manière différente et plus précise que l'œil "non armé". La croyance quasi-mystique de Vertov dans le pouvoir créatif du langage filmique ne tolère pas d'obstacles, pas de barrières de la distance et des limites du temps. C'est ainsi que Šestaja čast 'mira relie des images des parties européennes et asiatiques de l'URSS dans un «chant du monde» qui confronte le socialisme au capitalisme. L'extraordinaire magie de ses films repose sur la capacité de Vertov à réunir dans la plus grande tension les deux sources de son support - la réalité reproduite et sa recréation par le montage. (Filmmuseum Wien, H.T.)

Durant l'hiver 1905, lors de la Révolution russe, une femme - la Mère -, forcée de prendre parti lors d'une grève, doit choisir entre la fidélité qu'elle éprouve pour son mari, corrompu par les patrons afin d'obtenir son soutien, et son fils bien-aimé, un travailleur qui sympathise pour la cause des grévistes.

Une célèbre et excellente œuvre du cinéma expressionniste avec des scènes oniriques, de bout en bout stylisé par Trauberg et Kozintsev, les créateurs-directeurs de la «Fabrique de l'acteur excentrique» à Saint-Pétersbourg. Nuit sans fin, ombres diaboliquement noires, blancheur lugubre de la neige, décor menaçant, gestes intrigants, acrobatiques éruptions mentales sur les visages. "Le manteau" de Gogol dans un film qui pousse la sophistication à l'extrême, comme une fantastique caricature de lui-même. Au lieu de la discrétion: l'exagération. Au lieu de la modestie: vive l'expression! Vive l'excentricité! (H. T.)